D'où je viens

Cette question qu'on nous pose souvent. 

Parfois simple et parfois un peu moins.

Quand je vivais en France, je cherchais toujours un moyen de répondre clairement, sans pour autant raconter ma vie. Mais la chose peut s'avérer complexe.

D'où je viens ?

Tu veux dire...là où je suis née? là où j'ai grandi ? là où j'ai fait mes études? là où je vis? là où se trouve ma famille ?

Je suis née dans le nord de la France, j'ai vécu 10 ans + 2 dans le Var, dans 3 endroits différents, j'ai fait mes études à Marseille, Toulon, Aix-en-Provence, et aussi en Irlande et en Espagne, j'ai vécu en région parisienne quelque temps et ma famille est répartie entre le Pas-de-Calais, la Savoie, l'Aude et le Var. Et maintenant le Canada.

Quand je réponds ça, et ça m'est arrivé, tu observes toujours le regard perplexe de la personne en face de toi : "mais pourquoi j'ai posé cette question ?"

Et encore, je ne suis pas une enfant d'expat qui a traversé le monde plusieurs fois, ni fille de militaire ou de diplomate ayant changé d'école plus souvent que de brosse à dents. J'imagine que la sensation est décuplée dans ce genre de cas.

La question de l'identité, de l'origine ou des racines demeure la même. L'endroit d'où je viens ne me définit pas, mais les successions de nouvelles vies ont fait de moi la personne que je suis aujourd'hui, elles ont fait mon apprentissage et mon éducation. Petit à petit.

Et si l'ensemble de ces changements nous permettait en fait d'avoir le luxe de choisir ?

Ils permettent aussi de se poser la question, car non ce n'est pas une évidence, où est-ce que je me sens chez moi ?

Et la réponse n'est, là encore ni blanche ni noire, peut être un peu normande : un peu partout, un peu nulle part.

Des bouts de moi, des bouts de mon histoire sont répartis, pas toujours proportionnellement, au sein de ces destinations. Car ce fameux "chez moi" ou encore "home" est mobile, jamais unique et dépend aussi de ceux qu'on aime. Là où je me sens bien, là où je souffle, où je me laisse porter.

Depuis que je vis au Canada, la réponse est quand même plus facile. Enfin, presque.

- Where are you from ? 

- France !

- Oh from Quebec ?

- No from France.

- Oh right, Montreal ?

- Nope. France, you know this country, in Europe.

- This is awesome ! So you're from Paris ?

- ...

Ici je suis généralement juste française. Et c'est pas plus mal.

Car j'aime la convivialité et les réunions de famille dans le nord, les marées, les bons repas, j'aime les pique-niques à la plage les soirs d'été varois avec mes copines, j'aime la petite maison savoyarde de mes parents si paisible, j'aime aller chez ma soeur et reprendre des petites habitudes d'avant, j'aime connaître par coeur la région PACA, toutes ses routes, la vie du quotidien loin de l'envahissement des touristes, j'aime cette vie d'étudiante Erasmus que j'ai pu avoir en Europe, tous ces logements différents que j'ai pu occuper. J'aime tous ces souvenirs. 

(Non je ne citerai pas le passage dans les Yvelines et tout ce gris).

Clairement, j'aime moins les déménagements, mais ça fait partie du deal. Et ça permet de faire du tri régulièrement et de ne pas s'encombrer avec tant de choses inutiles.

Aujourd'hui, je me sens chez moi dans notre jolie maison canadienne, je me sens bien, malgré le manque des proches, malgré toutes ces différences. Parce c'est notre foyer, notre nouvelle base à laquelle on ajoute régulièrement un nouveau pilier.

Et quand je rentrerai en France, je répondrai peut-être à la question "d'où viens-tu?" simplement par "Canada".